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Structure génétique des populations de lynx boréal et étude du régime alimentaire

4 janvier 2021

Le projet LYNX vise à mieux comprendre la recolonisation du territoire par les populations de lynx françaises et à mesurer leur degré de diversité génétique et de connectivité avec les autres populations européennes.Un second objectif est d’étudier le régime alimentaire de l’espèce en France afin de mieux connaître la diversité des proies consommées.

(crédits : www.antoine-rezer.com - Fb & Instagram : AntoineRezerPhotographie)

Aspects génétiques de la viabilité des populations de lynx en France

En France, les populations de lynx boréal sont très fragmentées et présentent des effectifs réduits estimés à environ 140 individus (~115 dans le massif jurassien, ~20 dans les Alpes et ~5 dans les Vosges).

Bien que la faible diversité génétique potentielle des populations françaises soit l’une des menaces identifiées pour les populations de Lynx, elle n’a pas été caractérisée précisément bien qu’elle soit probable car suggérée par plusieurs éléments :

  1. Issues de la réintroduction de quelques individus dans le Jura et les Alpes suisses dans les années 1970, les populations françaises de lynx sont contraintes génétiquement par un effet dit « fondateur » (i.e., quelques individus à l’origine de l’ensemble des populations) ;
  2. Associés à la faible connectivité des populations à l’échelle européenne, les faibles effectifs ont pour conséquence de limiter le brassage génétique donc le polymorphisme ;
  3. L’étude menée sur les populations suisses de lynx au début des années 2000 a montré qu’elles présentaient les plus faibles niveaux d’hétérozygotie et parmi les plus faibles diversités alléliques des 11 populations européennes étudiées (Breitenmoser-Würsten et Obexer-Ruff 2003)

Enjeux liés à l’étude du régime alimentaire

Dans la majorité de leur espace de vie, en Russie, en Espagne ou en Amérique du Nord, les différentes espèces de lynx se nourrissent beaucoup de lièvres ou de lapins. La situation est différente en Europe centrale pour le Lynx boréal où il est généralement admis qu’il consomme avant tout des chevreuils et plus secondairement des chamois. Des études ont montré que ces deux espèces représentaient près de ses 90% des proies. Ces chiffres ont été obtenus en utilisant des méthodes de télémétrie permettant de suivre à distance les déplacements des lynx. Un collier au cou du lynx émettait des signaux VHF permettant de le localiser à distance. Il a ensuite été possible d’utiliser des systèmes GPS, beaucoup plus précis. En suivant les lynx, il était possible de trouver les restes de leurs proies. Cette méthode permet de détecter les proies les plus grosses, les autres étant ratées ou sous-estimées. Par cette méthode, renards et lièvres sont ainsi considérés comme occasionnels, et les petits rongeurs comme absents. D’autres études se sont basées sur l’analyse directe des crottes des lynx. Elles confirment la part importante des chevreuils et des chamois, mais elles nuancent très fortement leur part et mettent en évidence nombre d’autres proies alternatives. Dans le Jura, l’analyse des fèces a montré que les lièvres représentaient près de 20% des proies du lynx, et les petits rongeurs comme les campagnols près de 18%. Dans les Vosges, trois-quarts des crottes contenaient des restes de petits rongeurs. En Slovénie et Croatie, un résultat étonnant a été de découvrir que le Loir était une proie très fréquente des lynx, les jeunes, moins expérimentés, et les femelles étant susceptibles de plus consommer ces petites proies alternatives car faciles à capturer. L’utilisation de colliers GPS est très précise pour les suivis géographiques d’un même lynx mais a pour contrainte le nombre limité d’individus qu’il est possible de suivre. Les méthodes basées sur l’analyse des fèces sont alors utiles pour obtenir des informations complémentaires par exemple en identifiant les proies alternatives, en permettant la comparaison des régimes alimentaires dans différents secteurs de l’aire de répartition ou en mettant en évidence les éventuelles variations intra- et interannuelles.
Cette étude permettra de mieux caractériser le régime alimentaire notamment l’importance relative des différentes proies consommées.

Des méthodes non-invasives d’étude de la structure génétique via l’utilisation de fèces et du régime alimentaire

La caractérisation de la structure génétique des populations de lynx en France apporterait des informations clés pour la gestion et la conservation de cette espèce menacée en lien avec l’aménagement de l’espace (connectivité des populations) ou le renforcement des populations (définition de l’origine optimale d’individus réintroduits). Des développements méthodologiques récents en biologie moléculaire permettent d’utiliser les fèces de lynx, échantillons non-invasifs et récoltables sur le terrain, pour décrire la structure génétique des populations (Krojerová-Prokešová et al. 2018 ; Mengüllüoğlu et al. 2019) ou le régime alimentaire.

(crédits : www.antoine-rezer.com - Fb & Instagram : AntoineRezerPhotographie)

Le projet LYNX

Le premier objectif du projet LYNX est de décrire l’histoire évolutive de la recolonisation du territoire par les populations de lynx françaises par l’analyse de leur ADN mitochondrial et de mesurer leur degré de diversité génétique et de connectivité avec les autres populations européennes à partir de marqueurs microsatellites. La première étape du projet est l’optimisation d’une méthode d’analyse de la structure génétique des populations de lynx à partir d’échantillons non-invasifs, i.e., des fèces récoltées sur le terrain. Elle s’appuie sur les compétences scientifiques et techniques d’Eve Afonso-Douablin, Audrey Cardot-Laboissière, Anne-Claude Goydadin, Michael Coeurdassier et Michel Gauthier-Clerc et les instrumentations de biologie moléculaire disponibles dans la plateforme PEA²t du laboratoire Chrono-Environnement. Il s’agit de développer l’analyse de l’ADN mitochondrial et de 20 à 25 marqueurs microsatellites sélectionnés parmi ceux déjà retenus pour l’étude des autres populations européennes. Suite à cette phase d’optimisation, des fèces collectées en milieu naturel seront analysées à partir de 2021.
Le second objectif est de décrire le régime alimentaire du lynx à l’aide de méthodes moléculaires de metabarcoding qui consistent à amplifier l’ADN d’un gène commun à toutes les espèces proies dont les restes sont présents dans les fèces, puis à séquencer l’ADN amplifié par séquençage haut débit. Les informations obtenues pourront être complétées par des analyses de macrorestes identifiés à l’aide d’une loupe binoculaire et si besoin une analyse microscopique de coupe de poils.
L’échantillonnage des fèces sera assuré par un réseau déjà opérationnel de partenaires ayant une très bonne connaissance de terrain du lynx. Ce réseau de collecte est coordonné par la Société Française pour l’Étude et la Protection des Mammifères Société Française pour l’Étude et la Protection des Mammifères et s’appuie sur des organisations locales impliquées dans la conservation de la biodiversité. Le projet LYNX bénéficie actuellement du soutien financier de la Zone Atelier Arc Jurassien, de l’Université de Franche-Comté (APR Chysalide 2021), du Zoo de la Garenne et de la Fondation Nature & Découvertes.

Contact : Eve Afonso, Michaël Coeurdassier, Chrono-Environnement